
DATE
10.04.25
Des métiers dont j’ose à peine parler
Lorsque l’on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds souvent un peu rapidement et peut-être honteusement : « Je suis sophrologue. »
Sans mentionner la kinésiologie ni le yoga.
Parce que l’image que toutes ces pratiques véhiculent aujourd’hui est trouble, encombrée de dérives qui les rendent difficiles à défendre.
Peu importe la pratique que je décide de mettre en avant pour me présenter, j’ai souvent envie d’ajouter : « Mais ce n’est pas ce que vous croyez. Voilà à quoi ressemble MA pratique. »
Parler de sophrologie est un peu plus simple. Bien que décriée à juste titre pour de nombreuses dérives, elle est reconnue par certain·es médecins qui savent qu’elle peut être bénéfique, quand elle est bien pratiquée. Elle est donc parfois recommandée, intégrée à certains hôpitaux, remboursée par certaines mutuelles…
Mais cette reconnaissance ne protège pas la sophrologie de ses propres dérives. Certain·es sophrologues ajoutent à leurs séances des éléments énergétiques, voire ésotériques, sans jamais le dire clairement.
D’autres, tout aussi problématiques, utilisent un vocabulaire scientifique mal maîtrisé : ils parlent de fonctionnement cérébral, de sécrétion hormonale, de « liens directs » entre pensées et corps, en généralisant des concepts complexes — parfois même erronés. Et ce qui est le plus inquiétant, c’est que ces discours pseudo-scientifiques sont parfois enseignés dans les écoles elles-mêmes, renforçant cette confusion entre savoir et croyance.
On croit à tort que la rigueur vient du vocabulaire scientifique. Mais sans formation adéquate, ces explications laissent des fausses informations dans la tête des gens, tout en leur donnant l’illusion d’avoir compris leur propre fonctionnement.
La kinésiologie, elle, évolue dans un flou encore plus dense. Issue de la médecine chinoise, de la chiropraxie et enrichie au fil du temps par des apports occidentaux, la kinésiologie est née d’un croisement de traditions et de systèmes de pensée. C’est ce qui en fait sa richesse, mais aussi ce qui la rend très vulnérable aux récupérations hasardeuses.
Certain.es y ajoutent des références aux neurosciences, à la biologie cellulaire… sans souvent savoir réellement de quoi ils parlent. Les discours deviennent flous, remplis de pseudo-explications sur le cerveau, les blocages, la mémoire du corps… comme s’il existait des vérités universelles, prêtes à être lues par le·la praticien·ne.
Dans la bouche de non-scientifiques, ces raccourcis prennent une allure de savoir — mais ce sont des interprétations, pas des faits.
Et comme pour la sophrologie, les écoles elles-mêmes ne sont pas toujours irréprochables : certaines enseignent des notions qui n’ont rien à voir avec les fondements de la discipline — karmas, vies antérieures, auras, astrologie, « reprogrammation cellulaire » — et finissent par entretenir l’idée que le·la praticien·ne détient un pouvoir particulier.
Le yoga, lui aussi, est brouillé par ses dérives.
Le yoga est aujourd’hui trop souvent réduit à une performance esthétique de corps « parfaits » sur Instagram, à une promesse de bien-être sans fondement ou à un portail vers des pratiques mystiques qui n’ont rien à voir avec ses racines. Là encore, on y entend des raccourcis scientifiques — le nerf vague, les connexions cœur-cerveau — énoncés sans discernement, comme des arguments d’autorité, sans humilité. Pas exemple : une posture peut te faire « récupérer 2 nuits blanches en 10 minutes » ou te « faire perdre du poids si elle est pratiquée tous les jours pendant 1 mois ».
Le problème c’est la prise de pouvoir, c’est la manière dont on se sert de ces disciplines, les « fausses vérités » énoncées qui viennent redessiner les perceptions des gens et surtout de la place que certain.nes praticien.nes prennent dans la vie de leurs clients.
Quand on promet de guérir un cancer en « rééquilibrant les chakras », quand on conseille d’abandonner un traitement médical pour une lecture d’âme, ou qu’on donne à des clients une vision biaisée du fonctionnement de leur cerveau… on franchit une limite éthique grave.
Et ce danger est triple :
Même en tant que « professionnelle dans le secteur », j’ai du mal à faire confiance. Je me méfie des kinésiologues, des sophrologues, des professeurs de yoga…
Je sélectionne avec soin les personnes à qui je confie mon corps ou mon esprit. Je ne consulte que des praticien·nes dont je connais le parcours et les engagements.
Dans mes séances, pas de mysticisme. Pas de jargon pseudo-scientifique. Une séance repose sur des éléments concrets :
Je refuse que ces disciplines deviennent des outils flous, mystiques ou prétentieux. Elles doivent rester :
Mon but n’est pas d’être un guide spirituel ou un gourou. Mon rôle est d’accompagner les personnes vers plus d’écoute d’elles-mêmes, en les responsabilisant dans leur bien-être. J’accepte que certaines choses m’échappent.
Je sais que je ne peux pas tout comprendre et mon rôle, c’est de rester neutre, présente, à l’écoute.
C’est pour rester dans ce qui me semble juste que :
Ces disciplines méritent cette exigence.
Et vous, surtout, vous méritez cette exigence.
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